Régis Perray, éloge du discret
Philippe Piguet, février 2016
Peu nombreux sont ceux qui l'ont vue mais c'est justement ce qu'il recherche. Coller une petite marguerite découpée dans du papier peint sur un pilier, au ras du sol*, comme si elle avait poussé là sans qu'on sache trop pourquoi, cela relève d'une volonté de ne pas vouloir attirer le regard sinon d'une étonnante discrétion qui n'est pas sans rappeler les profondes relations de sens que ce mot entretient avec l'idée de discernement. Or Régis Perray ne manque ni de l'un, ni de l'autre. Il n'a pas son pareil pour s'immiscer dans un contexte et y trouver sa juste place. Aucune esbroufe, aucun tapage. Tout juste cette façon bien à lui de répliquer, le sourire au coin des lèvres, en cherchant à surprendre le regard de l'autre. Avec rigueur, obstination et fantaisie. D'ailleurs, ce sont là trois termes qui caractérisent non seulement sa démarche d'artiste mais aussi sa personnalité.
Dans un monde de l'art trop souvent banalisé, voire standardisé, l'attitude de Régis Perray est hors norme. Il y a quelque chose chez lui qui frise l'impertinence, sans jamais pour autant céder à la moquerie ou à la suffisance. Loin de là. Il n'y a pas plus accort que lui. De plus, il est franc et direct, comme par exemple quand il vous dit au détour d'une conversation qu'il est croyant et que cela compte tant pour l'homme que pour l'artiste. Si vous gagnez sa confiance, il vous racontera comment est advenue cette affaire de patins et comment il a remplacé l'acte de prier par celui de nettoyer à grand renfort de patinage la rosace en bois du sol de l'église qu'il fréquente à Nantes. Régis Perray a le sens du beau. Celui qui tient tout autant à ces objets chargés d'histoire et de poussière qu'à ces savoir-faire qui relèvent de pratiques artisanales ancestrales. Aucune nostalgie pourtant, sinon prospective tant il sait jouer du temps, composer avec les symboles et, finalement, surprendre le regard là où il ne s'attend pas à être convoqué. En cela, son œuvre est pleine de malice, d'esprit et de poésie.
*dans les expositions collectives Chercher le Garçon au MAC/VAL à Vitry-sur-Seine en 2015 et Virus au centre d'art Contemporain NETWERK à Aalst en Belgique en 2014.